Ami lecteur, amie lectrice, qui que tu sois, sois le/la bienvenu(e).


Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



mercredi 31 août 2011

Juliette Drouet : une débutante à Bruxelles


Théâtre du Parc.
Le théâtre du Parc fut construit au dix-huitième siècle dans une ouverture du parc de Bruxelles. De style Louis XVI, il donne sur la rue de la Loi, presque en face du parlement belge. Autrefois on l’appelait théâtre royal ou le petit théâtre. Ce théâtre réuni avec celui de la Monnaie par une direction commune, se trouvait alors quelque peu sacrifié à son grand frère. Les moyens financiers de ce petit théâtre étaient modestes et ses succès variables. Cette scène ne représentait que des vaudevilles. En vain la direction avait essayé de changer le programme et y introduire plus de modernité. Le public bruxellois tenant à ses habitudes, sifflait les nouveautés que l’on applaudissait à Paris. Contraignant ainsi le théâtre de revenir à son répertoire familier, dont les pièces de Scribe constituaient le fond.

C’est dans ce théâtre que débuta, en 1828, une certaine Juliette Drouet.

Juliette Drouet.
Celle qui, de 1834 à sa mort, consacra tout son amour et sa vie à Victor Hugo. Inspiratrice de nombreuses pages admirables du grand poète, et qui au moment du coup d’état de monsieur Bonaparte, le sauva de la mort. Dans l’exil qui suivit, elle fut à ses côtés, effacée et discrète, copiant ses manuscrits. Quand elle mourut, en 1883, à Paris, elle s’occupait depuis la mort d’Adèle, de la maison du grand homme. De sa beauté évanouie, il ne lui restait alors plus qu’un pauvre visage de vieille, flétri et ridé. Depuis longtemps habituée aux sacrifices, seuls demeuraient intacts, les souvenirs de sa jeunesse perdue et sa grande passion pour Olympio.

Il subsiste encore, de nos jours, quelques ombres dans l’histoire de Juliette Drouet. L’un des épisodes peu connus de sa vie, est celui de son séjour à Bruxelles et l’histoire de ses débuts au théâtre.

Julienne-Joséphine Gauvain vit le jour à Fougère le 10 avril 1806. Orpheline à l’âge d’un an , elle se retrouva à l’assistance publique avant d’être recueillie par un oncle. Lorsqu’elle eut huit ans, une tante et une cousine, toutes deux Bénédictines la firent entrer dans leur couvent à Paris.

Sans vocation, elle en sortit en 1822. Pour aller où ? On ne sait pas très bien. Trois ans plus tard, on la retrouve, Modèle, dans l’atelier du sculpteur genevois, alors en vogue,James Pradier. Elle devient rapidement sa maîtresse. L’année suivante, elle donne naissance à une fille, Claire.

«  Douce Claire aux yeux noirs avec des cheveux blonds ». (Victor Hugo)


James Pradier.
Homme brutal, vaniteux, cynique, coureur de jupons sous des dehors élégants, promettant beaucoup et ne tenant que rarement ses promesses, Pradier n’envisage pas de l’épouser et se contente de payer une pension pour l’enfant qu’il envoie à la campagne.


Ignorant l’art de rompre, et pour se débarrasser de la mère après l’enfant, il persuade la jeune femme qu’elle est destinée au théâtre, bien que rien ne l’y ait préparé. Il lui suggère donc de tenter sa chance sur la scène, mais pas à Paris, trop près. Et comme il a quelques relations à Bruxelles, elle partira pour cette ville. Dans la diligence qui l’amène de Paris à Bruxelles, dans le courant de 1828, Juliette se trouve dans la plus grande détresse. Son amant l’abandonne, sa fille se trouve en nourrice, et son avenir est aussi incertain que cette ville lui est étrangère.

A Bruxelles, une certaine dame Giraudier doit s’occuper d’elle. On sait peu sur cette dame. Juliette doit se faire passer pour sa fille. De loin Pradier la surveille, des fois qu’elle aurait la mauvaise idée de revenir à Paris. Il lui prodigue des conseils. Il lui conseille même de se trouver un protecteur. D’avoir adresser une telle recommandation à Juliette, le sculpteur se croit quitte envers elle, surtout financièrement. Quand Juliette se risque à lui demander une petite somme d’argent, il répond qu’il est sans le sou et lui envoie, en guise de consolation, un livre de romances illustré de sa main.
Juliette mène à Bruxelles une existence misérable. Le seul engagement qu’elle obtient, c’est au mont de piété. Elle y a engagé des effets personnels pour subvenir à ses besoins.

« …le seul engagement que mes talents m’aient procuré… » (Juliette à Pradier)


Elle veut revenir et revoir sa fille. Elle espère que Pradier lui trouvera un rôle à Paris. Quand elle le lui demande ouvertement, il pousse de hauts cris. Quitter Bruxelles en ce moment ! qu’elle attende ! Pradier craint surtout d’avoir Juliette à sa charge ce qu’il ne veut à aucun prix !

C’est alors, qu’émut par la détresse de la jeune femme, un entrepreneur de spectacle Harel, ancien exilé français à Bruxelles, la fait entrer dans la troupe du théâtre royal du Parc. Elle écrit à Pradier pour lui annoncer la bonne nouvelle. Il lui répond, comme d’habitude, par de belles et nobles paroles creuses.

«  …comme il est bon le pain gagné honorablement…travaille toujours…l’étude à plus de fleurs que d’épines… » (Pradier à Juliette)

Ce n’est toujours pas la réponse qu’attend Juliette.
Juliette, modèle de Pradier.
Elle entame sa carrière de comédienne le 6 décembre 1828 sous le nom de Mlle Juliette. Le journal de la Belgique du samedi 6 décembre annonce ses débuts pour le soir même :

« Samedi 6 (théâtre du Parc). Avant, pendant et après, esquisse historiques en 3 actes. – La mansarde des Artistes, vaudeville, dans lequel Mlle Juliette, se destinant à la carrière dramatique, et n’ayant jamais paru sur aucun théâtre, remplira le rôle de Camille. »

Au dernier moment cependant l’affiche fut changée, et la débutante parut devant le public bruxellois dans un autre vaudeville : Simple histoire, de Scribe et de Courcy : une pupille amoureuse de son jeune tuteur qu’elle épouse à la fin de la pièce. Juliette fut donc, ce soir-là, Miss Milner, jolie fille de 17 ans, aimable, étourdie et coquette, et à la scène finale elle vint solliciter la clémence du public par cette tirade :

On sait comment se montrent les tuteurs ;
De leur pupille imprudente, indocile,
Ils ont toujours pardonné les erreurs…
Pour mes défauts, quand j’agis en pupille,
Par vos bontés agissez en tuteurs.

En dépit de quelques faiblesses, les spectateurs furent indulgents. Ils agirent, ce soir-là, en tuteurs. Juliette reçut un accueil d’estime. Sans doute sa beauté n’y fut pas étrangère. Les critiques lui reconnaissant tout au moins de bonnes dispositions.

« l’espace me manque, écrivait le chroniqueur de l’Argus politique, littéraire, des spectacles, des arts et des mœurs du 7 décembre 1828, pour parler d’un début remarquable qui a eu lieu au théâtre du Parc, celui de Mlle Juliette. Une jolie figure, des yeux pleins de charme et d’expression, une voix faible, mais douce et juste, une excessive timidité, mais sans gaucherie, de la gentillesse et de l’intelligence, des inflexions qui viennent de l’âme, et qui ne sont le fruit ni de l’étude ni de l’expérience, voilà ce que le public a remarqué chez Mlle Juliette, si j’en juge par les applaudissements nombreux qu’elle a reçus »

Et la Minerve des Pays-Bas lui attribuait les mêmes compliments, assortis de réserves similaires.

« un physique heureux, un organe agréable, un ton décent et de l’intelligence, voilà ce qui a motivé la bienveillance du public à son égard. De la timidité, de l’inexpérience, voilà le revers de la médaille. Mais la timidité, l’inexpérience durent-elles longtemps au théâtre ? Je ne le crois pas. Il y a donc lieu du succès pour Mlle Juliette, et nous l’encourageons à persister dans la résolution qu’elle a prise. »

La semaine suivante, elle reparaissait devant les spectateurs du Parc dans la Mansarde des Artistes, comédie-vaudeville en un acte de Scribe, Dupuis et Varner. La critique lui fut bien moins bienveillante à ce deuxième passage. Que se passa-t-il ? Le rôle de Camille, sage grisette égarée parmi les étudiants et les rapins dans un grenier ne convenait-il pas au caractère de la débutante ? Ou de graves soucis venaient-ils ce soir-là, pétrifier sa voix et engourdir son jeu ? Toujours est-il qu’on la trouva moins bonne, et l’Argus du 28 décembre 1828, dut bien revenir sur ses précédents éloges :

« Un seul succès a suffi, à ce qu’il paraît, à Mlle Juliette, qui avait été si bien accueillie dans le rôle de Miss Milner de Simple Histoire. Le désir de voir une jolie figure et une bonne actrice avait peut-être contribué à amener quelques personnes au théâtre du Parc le samedi suivant ; mais leur désappointement a été complet. Cette physionomie si aimable était devenue maussade et rechignée. En prenant les habits de Camille, dans la Mansarde des Artistes, Mlle Juliette a perdu sa grâce et sa vivacité ; ce n’était pas la même personne. Je ne lui conseille guère de faire un troisième essai ; car, en suivant la même marche, elle pourrait descendre jusqu’aux sifflets. »

Même commentaire dans la gazette des Pays-Bas du 17 décembre 1828, qui rendait compte dans le même article, des deux représentations :

« Une demoiselle Juliette, se destinant au théâtre, a joué deux fois déjà sur celui du Parc. Le premier jour, elle a, ce que l’on dit d’une tentative audacieuse, attaqué le taureau par les cornes. Et justement il s’agissait d’un ouvrage qui nous transporte au pays de John Bull, le vaudeville de Simple Histoire. Le personnage de Miss Milner est un composé de grâce, d’étourderie, de sensibilité, et, de plus, il avait été créé d’une manière supérieure par Mme Lemoigne. La débutante, très jolie d’ailleurs, si ce n’est que sa figure porte l’empreinte habituelle de la mélancolie, a néanmoins nuancé quelques parties du rôle avec intelligence d’une actrice déjà initiée aux secrets de son art . samedi dernier ce n’était plus cela : à peine entendait-on Mlle Juliette, qui semblait bouder les acteurs et le public, et dont, par conséquent, le jeu était comme son visage, fort maussade et fort triste. Nous voilà bien payés de nos encouragements

Ce demi-échec n’était pas fait pour tranquilliser la pauvre débutante. La misère morale et matérielle la condamnait à un abattement trop visible. Cet insuccès ne la détourna cependant pas d’un troisième essai. Elle reparut sur la scène du Parc à la fin de décembre dans une pièce de l’inévitable Scribe « La Marraine ». Seule la gazette des Pays-Bas du 1er janvier 1829, rapporta cette représentation :

« Mlle Juliette a joué au même théâtre, dernièrement, le rôle de la marraine pour troisième début, et s’y est réhabilité dans l’esprit de ses juges… il,paraît que cette demoiselle, comme beaucoup d’acteurs, ne soigne que les bons rôles. Mauvais signe ! »

Mauvais signe aussi pour mademoiselle Juliette, il ne reste pas trace d’une quatrième tentative et c’est au mois de janvier suivant que nous la retrouvons dans le cadre somptueux de la scène de la salle des Beaux-Arts.


A ce moment arrivait à Bruxelles, un certain Pierre-Victor. Tragédien qui avait brillé au Théâtre-Français dans l’ombre de Talma. Cet artiste véhément avait la plume injurieuse. Il s’était pris de querelle avec le baron Taylor, commissaire royal auprès de la première troupe comique. Ce Taylor était l’ami de Charles Nodier et des modernes. Adversaire des novateurs, Pierre-Victor courut la province puis l’étranger, acharné partout à faire applaudir partout l’ancien répertoire tragique. Engagé à Bruxelles pour une série de représentations, Pierre-Victor parut dans un répertoire classique, et même pseudo-classique. Voltaire aux côtés de Racine et de Shakespeare (dans la version de Ducis), Marie Stuart de Pierre Lebrun et Frédégonde de Népomucène Lemercier, deux œuvres très éloignées du romantisme. Le tragédien ne déplut pas au public bruxellois. Le journal de la Belgique lui fit un bel éloge. Par contre les journaux s’accordèrent à regretter que Pierre-Victor se trouvait assez mal entouré. Une seule exception fut faite, et ce fut en faveur de la jeune débutante du Parc. On lui avait donné, dans le drame shakespearien, un simple bout de rôle : celui d’Elvire, confidente de Gertrude. Mais une meilleure occasion lui avait été offerte dans une pièce de Deaugiers et Gentil : L’Hôtel garni. Le journal de la Belgique du 19 janvier 1829 déclara, en effet, que, dans cette comédie,

« on a remarqué Mlle Juliette, jeune et très jolie personne, qu’on a vue dernièrement deux ou trois fois au Parc »

Ce que confirma la gazette des Pays-Bas du 20 janvier 1829 :

« Mlle Juliette, la néophyte aux trois débuts du théâtre du Parc, s’est aussi fort bien tirée de la confidente de Gertrude, et, qui plus est, de la jeune amoureuse de l’Hôtel garni. Il y a de l’avenir dans ses dispositions »

Hélas ! une voix contraire s’éleva, et la minerve des Pays-Bas d’un ton autoritaire  réprimanda la jeune comédienne :

« …et vous enfin, Mlle Juliette, il y a chez vous des progrès réels. Mais point de mine, de grâce ; la nature vous fit gentille, l’art vous fait mignarde. Retournez vite à la nature : vérité et simplicité »

Le journal, peu après, fit sa repentance.  L’hôtel garni ayant précédé Zaïre sur l’affiche de la quatrième représentation de Pierre-Victor, il constata sommairement que cette petite pièce « a fait plaisir ». et il ajouta :

« Mlle Juliette, qui a cessé de faire des mines, y est maintenant plus ingénue et plaît bien davantage. »

C’est sur ce compliment que se termina la carrière dramatique de Juliette Drouet à Bruxelles. Les représentations de Pierre-Victor s’achevèrent à la fin de mars 1829. Par la suite, on n’entendit plus parler de la débutante à Bruxelles.
C’est à Paris, qu’elle réapparût sur la scène. Harel, devenu directeur de l’Odéon et du théâtre de la porte Saint-Martin, l’ayant engagé dans sa troupe.

Juliette dans le costume de la princesse Négroni.
En 1833, Victor Hugo cherchait des comédiens pour sa pièce « Lucrèce Borgia », Harel lui proposa Juliette pour le rôle de la princesse Négroni. Le 3 février , la première représentation de la pièce au théâtre de la Porte Saint-Martin fut un succès. Théophile Gautier particulièrement enthousiasmé écrivit ces mots : « c’est dans le petit rôle de la princesse Négroni de Lucrèce Borgia que Mlle Juliette a jeté le plus vif rayonnement…avec si peu de temps et si peu de parole, elle a trouvé le moyen de créer une ravissante figure, une vraie princesse italienne…. »

Peu après, mlle Juliette devint l’amante du grand poète et, par amour, elle abandonna définitivement sa carrière de comédienne.

« …aimer, c’est plus que vivre…. » (Juliette Drouet à Victor Hugo)

Victor Hugo.
L’ancienne amie de Pradier possédait-elle un talent dramatique ?
Victor Hugo et Théophile Gautier le pensaient. Pour la critique bruxelloise, elle n’en avait guère. Guimbaud déclare que la belle Juliette déploya sur le théâtre un mérite des plus distingués. Juliette ne joua jamais de rôles très importants. A Bruxelles, sans expérience, elle débutait. A Paris, dans la troupe d’Harel, les premiers rôles étaient tous tenus par Mlle Georges ou Mme Dorval. Presque toutes les œuvres dans lesquelles Juliette a joué sont aujourd’hui des œuvres oubliées ou démodées. Quant à M. Barthou, il affirme simplement qu’elle était « inexpérimentée, mais non dépourvue de talent » . 

Promenade littéraire, Victor Hugo et la vallée de la Bièvre

dimanche 7 août 2011

Comtesse contre comte


Au bas de la place du grand Sablon, à droite, en descendant vers la Grand’place de Bruxelles, le promeneur traverse la place de la justice.  Autrefois se s’élevait là, au coin de la rue de Ruysbroeck, l’ancien palais de justice de la ville.  



C’est d’une affaire qui fut traitée dans ce bâtiment disparu, dont il va être question.

En 1804, le code civil, dont monsieur Portalis fut l’âme et Napoléon l’instigateur, affirma l’incapacité juridique totale de la femme.  La femme mariée était considérée dans ce code comme une mineure à vie.  C’était l’institutionnalisation, par la loi, de l’infériorité de la femme.  Privée du droit de se défendre, la femme soumise à l’homme se trouva réduite au silence.  Oubliées la Révolution française et la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » dans laquelle Olympe de Gouges réclamait l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes.  L’affaire suivante n’est pas de première importance, mais elle illustre fort bien ce qui précède.

Le 21 février 1849, la comtesse D. déposa, par l’entremise de son avocat, une requête au président du tribunal de première instance de Bruxelles.  Elle demandait l’autorisation d’assigner à bref délai son mari.  Elle voulait le faire condamner à lui verser une pension alimentaire de 2000 francs par an.  La comtesse justifiait sa demande par le refus de son mari de la recevoir dans le domicile conjugal.  Il l’avait chassé, pensait-on, pour une autre.  Cette autorisation d’assigner son époux en référé lui fut accordée.  Madame D. assigna donc son mari devant le tribunal civil. 

A l’audience de la deuxième chambre, présidée par M. Wafelaar,  le mari, défendeur, représenté par maître Roussel, opposa une fin de non recevoir à la demanderesse.  Son épouse, plaida-t-il, n’ayant pas été autorisée, par lui, à intenter une action en justice.  Les formalités définies par les articles du code civil en matière d’autorisation n’avaient pas été suivies.


Pour écarter cette fin de non recevoir, Madame D. , par la voix de son conseil Maître Jottrand, soutint que la loi ne requérait l’autorisation maritale qu’à l’égard des personnes autres que le mari.  Il résultait en effet, qu’un mari ne pouvait accepter que sa femme lui intenta, devant les tribunaux, un procès.  Procès que le mari considérait comme inadapté puisqu’il devait se défendre contre sa femme.  Dés lors, il n’y avait pas lieu de l’obliger d’accorder son autorisation.

L’épouse délaissée ajouta que, dans un procès dirigé par une femme contre son mari, procès où le refus d’autorisation de la part du mari va de soi, c’est au tribunal à autoriser la femme à plaider sa cause en justice.  Aussi demanda-t-elle au Tribunal de lui donner l’autorisation nécessaire.

Dans tous les cas, ajouta maître Jottrand, s’il fallait absolument une autorisation préalable, la permission que Monsieur le président avait accordée à la demanderesse pour assigner son mari suffisait comme autorisation.

Le 13 mars suivant, le tribunal rendit sa décision.  Le président M. Wafelaar  jugea que la nécessité de l’autorisation existait, sans distinction, dans tous les cas où la femme voulait plaider, que l’adversaire soit un tiers où le mari lui-même.  Qu’une femme ne pouvait intenter une action en justice sans l’autorisation de son mari.  Cette autorisation était requise comme un hommage rendu à la puissance maritale.  La loi s’appliquait dans cas avec plus de fondement encore, car il serait peu raisonnable d’habiliter la femme précisément contre celui à l’autorité duquel elle est soumise.  La demanderesse ayant intenté la présente action sans avoir été dûment autorisée.  Par ces motifs, le Tribunal, ayant entendu Monsieur Maus, substitut du procureur du roi,  déclara l’action de la comtesse non recevable et la condamna aux dépens.

Le chemin sera encore long à parcourir par les femmes, avant que leur parole soit enfin reconnue.

« Partout où l’homme a dégradé la femme, il s’est dégradé lui-même »